Retrouvailles
Auteur: Beatrice Waithira
Le documentaire intitulé «Amis pour la vie » raconte « le
parcours d’Éthiopiens installés au Canada, dont le point commun est d’être tous
des anciens élèves du Lycée français Guebre Mariam d’Addis-Abeba. »[1]
Le curriculum du lycée était dicté par le ministère de l’éducation en
France, donc tous les élèves étaient formés de la même façon que les élèves en
France. Comme l’explique Djemaneh « C’est comme si on nous a moulé de la
même façon, chaque année. Donc, on sort de la même façon et on pense la même
chose »[2].
Les élèves du lycée ne côtoyaient
presque pas les Éthiopiens qui se trouvaient en dehors du lycée. C’était
comme deux mondes à part comme le remarque Messeret: «Quand on rentrait au
lycée, on rentrait dans un autre monde. On quittait l’Éthiopie puis on
ressortait du lycée, on retournait en Éthiopie. On était comme des étrangers
dans notre pays »[3].
Selon moi, le curriculum du lycée était dicté de maniérée à valoriser la
culture française aux dépits de la culture éthiopienne. Comme le dit clairement
Messeret, les élèves n’avaient que deux heures de cours d’Amharic. Le curriculum français mettait la langue nationale de l'Éthiopie
dans la même catégorie que d’autres langues étrangères qui entaient enseignées
au lycée, notamment, l’espagnol et
l’allemand. Ce qui rend le curriculum français encore plus impitoyable à
mes yeux est le fait que les élèves du lycée ne se rendaient pas compte de la
transformation qu’ils subissaient. Ils ne voyaient pas qu'ils perdaient une
partie importante de leur héritage culturel, dans ce cas la langue, au profit
de la culture française.
Je trouve incroyable et très
révélateur que Messeret puisse déclarer que « le lycée, c’est une petite
forme de colonisation, d’assimilation, [ce qui est] pire qu’une colonisation »[4]
et qu’en même temps elle puisse ajouter que « c’est sûrement pas fait
intentionnellement »[5]. Cette remarque démontre que les auteurs du
curriculum français ont accompli leur mission. Ils ont réussi à convaincre les
élèves que la colonisation était tout à fait normale et même désirable. Il y a aussi une ironie qui se présente ici,
car l’Éthiopie est considérée comme le seul pays d’Afrique qui n’a pas été
colonisé. Pourtant, les propos de Messeret et des autres anciens élèves du
lycée nous donne la preuve du contraire.
Je trouve intéressant que ce n’est qu’après
son arrivée au Canada que Messeret a « réclamé sa culture éthiopienne »[6].
Elle a dû aussi réapprendre la langue éthiopienne car elle ne comprenait pas la
tournure employée par les autres Éthiopiens au Canada qui n’avaient pas
fréquenté au lycée français.
Cependant, tous les anciens élèves du lycée sont fiers de leur éducation
française parce qu'elle leur a donné une plus grande ouverture à d’autres cultures
et elle leur a aussi permi de s’adapter
plus facilement à leur nouvelle vie au
Canada.
Tout de même, je ne peux m’empêcher de faire la remarque suivante. C’est en
dehors de l’Éthiopie que l'éducation française a servi aux étudiants du lycée.
Par contre, en Éthiopie, cette éducation française les isolait du reste de la
population. Donc, il y a eu et des gains et des pertes. Je pense qu’il est
important de ne pas oublier cette opposition.