Le Réseau de recherche en 
formation et travail 
The Labour Education and

Training Research Network

La formation et les initiatives en matière d'équité dans le projet de la
British Columbia Island Highway Project:
un modèle de projet de construction à grande échelle

Kate Braid, compagnon charpentière et Collège universitaire Malaspina
Marjorie Griffin Cohen, Université Simon Fraser

En Colombie-Britannique, comme ailleurs au Canada, le travail des femmes dans la construction des autoroutes s’est presque exclusivement limité à la gestion de la circulation.  Quand on a construit des autoroutes dans des régions rurales, on a surtout utilisé une main-d’œuvre urbaine, en faisant appel aux entrepreneurs.  Cette pratique a entraîné l’exclusion des mains-d’œuvre locales, des groupes autochtones, des femmes et d’autres minorités.  En 1990, une enquête menée auprès des travailleurs syndiqués en Colombie-Britannique révélait que les femmes ne comptaient que pour 3/10 de 1% de tous les travailleurs sur les autoroutes.  Le pourcentage de travailleurs autochtones n’était guère plus élevé (1%) et celui des minorités visibles se limitait à 2,67%.

Avec les initiatives d’équité prises dans le cadre de la BC Island Highway Project (IHP), on voit pour la première fois des mesures d’équité qui font l’objet de conditions précises dans un accord de projet de construction d’autoroute.  Avec la négociation de ce contrat, un accord a été créé selon lequel une entreprise publique, Highway Constructors Ltd. (HCL),  serait l’employeur exclusif de la main-d’œuvre utilisée pour ce projet d’autoroute.  La HCL a fourni la main d’œuvre aux entrepreneurs (pour la plupart locaux) qui ont remboursé la HCL pour que des initiatives précises d’embauche soient prises.

La composante « équité » de l’accord du projet fut difficile à négocier car les principaux participants, notamment les syndicats de construction et les entrepreneurs de construction d’autoroutes, s’opposaient aux mesures d’équité.  On a toutefois fini par les convaincre qu’il était possible de fonctionner dans de telles conditions.  Cela dit, il ne faudrait pas sous-estimer leur hostilité.  En fin de compte, celle-ci a eu un effet sur les résultats du projet.  Malgré tout, ces initiatives en matière d’équité ont réussi de façon surprenante.

Pendant chaque année du projet, le nombre de travailleurs et la proportion d’heures travaillées par les membres de groupes d’équité ont augmenté.  Le contingent équité de la main d’œuvre du IHP formait 16% du nombre total d’heures travaillées en 1997, l’année record pour l’embauche.  Le pourcentage d’heures travaillées par les femmes s’est élevé à 6,5% et, pour les travailleurs autochtones, à 7,5%.  Ces chiffres peuvent paraître modestes mais lorsqu’on les compare aux pourcentages de départ (entre 0 et 1 % pour chacun des deux groupes), ils indiquent des hausses significatives.  A différents moments du projet, et surtout pendant les mois d’été, le pourcentage de travailleurs de groupes d’équité pouvait monter au-delà de 23%, dont 9% de femmes et 11% de travailleurs autochtones.

Dans cette étude sur les prestations d’équité de la IHP, nous analysons les caractéristiques de l’accord de projet initial qui ont permis la mise en œuvre d’initiatives d’équité.  Nous évaluons la qualité et la quantité de formation reçue par les membres des groupes d’équité, ainsi que l’expérience vécue des personnes touchées par les conditions de ce projet.  Les données fournies par la HCL (plutôt exceptionnelles dans ses détails) donne une bonne vue d’ensemble de la réussite du projet, surtout en ce qui concerne les statistiques.  Cependant, l’évaluation de la mise en œuvre du projet exigeait que l’on se penche sur l’expérience vécue des personnes impliquées.  Nous avons fait des interviews approfondies avec les travailleurs qui ont participé au processus de formation, ce qui nous a aidés à mieux comprendre le degré de réussite de la formation et des expériences qui ont suivi cette formation : racisme, harcèlement sexuel et autres obstacles à une participation totale dans la main d’œuvre de l’autoroute.

Les interviews avec les entrepreneurs, les fournisseurs de formation, les représentants de syndicats et le personnel du gouvernement et de la HCL nous ont également donné des informations qui ont eu un effet important sur notre évaluation finale du degré de réussite de certains aspects du projet.  Par exemple, au départ nous avions tendance à considérer les entrepreneurs et les autres travailleurs comme créant des obstacles tout simplement parce que ces personnes avaient rejeté les initiatives d'équité.  Plus tard, nous avons compris que certaines caractéristiques du programme de formation même avaient entraîné une réaction négative de la part des entrepreneurs.

Notre évaluation générale montre que la IHP est un bon modèle à suivre dans son approche générique à la formation et à l'intégration de personnes venant de groupes  traditionnellement exclus de la main-d'œuvre de la construction à grande échelle.  Les possibilités d'emploi (considérable et bien rémunéré) pour les syndicats et les entrepreneurs les motivent bien à acquiescer.  Cela ne veut pas nécessairement dire que cette bonne volonté a été "achetée" et, comme on pourrait s'y attendre avec de telles initiatives, bien des choses n'ont pas marché.  Dans certains cas, il s'agissait d'une mauvaise planification au départ et d'une sélection médiocre du personnel pour mener à bien le projet.  Dans tous les cas, ces problèmes étaient plutôt mineurs.  Avec une planification suffisante, on pourrait facilement résoudre la plupart de ces problèmes dans de futurs projets.

Ce que nous avons appris à mieux comprendre dans cette étude, c'est la nature même de l'industrie de la construction et les façons dont les gens reçoivent généralement leur formation et accèdent à cette main-d'œuvre.  C'est à cet égard que nous nous attendons à faire les recommandations les plus importantes en matière de politique publique.