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Training Research Network

Modifications récentes des politiques et de la structure de la formation au Nouveau-Brunswick:
impact éventuel sur les travailleurs et les travailleuses

Joan McFarland et Abdella Abdou
Université St. Thomas

Des modifications importantes ont été apportées à la prestation de la formation au Nouveau-Brunswick depuis quelques années. Plus précisément, les modifications à la Loi sur l'assurance-chômage sont entrées en vigueur le 1er juillet 1996, et l'entente entre Ottawa et le Nouveau-Brunswick sur la dévolution vers la province de la plupart des programmes de formation a été paraphée le 3 décembre de la même année.

En plus de réduire les prestations et d'allonger la période de qualification, la Loi sur l'assurance-chômage remaniée met fin à la politique de l'achat en bloc de places de stagiaires. En vertu de cette politique, le gouvernement défrayait le coût du perfectionnement des chômeurs, y compris leur subsistance, sur une période correspondant à la durée de la formation.

Un programme de Prêts et subventions de perfectionnement (PSP) a remplacé l'ancienne approche. Les personnes admissibles aux PSP sont celles qui sont prestataires de l'assurance-chômage ou qui l'ont été au cours des trois années précédentes (cinq années dans le cas de femmes en congé de maternité); elles obtiennent un emprunt combiné à une subvention qui défraie tout programme de perfectionnement souhaité ou requis. Le programme PSP ressemble au programme d'aide aux étudiants, les chèques étant effectivement émis à partir du même bureau du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Formation. Le programme s'applique peu importe si la personne est bénéficiaire de l'assurance emploi ou de l'aide au revenu, ou inscrite à un programme d'apprentissage.

Le Nouveau-Brunswick est la deuxième province, après l'Alberta, à signer une entente de dévolution, appelée Entente sur le développement du marché du travail. Cela signifie que le Nouveau-Brunswick administre les PSP ainsi que quatre autres programmes touchant le marché du travail, via un ministère du Travail nouvellement reconstitué. Les programmes sont dispensés selon la méthode de traitement des cas, par des conseillers d'emploi et des gestionnaires de cas, à partir de huit centre de services «guichet unique» dans toute la province. Pour ce qui est de la formation dans la province, le gouvernement fédéral ne s'occupe plus maintenant que de ce qu'il est convenu d'appeler des initiatives pancanadiennes : Les chemins de la réussite (programme de formation destiné aux autochtones), programmes jeunesse, LSPA, etc.

Parallèlement aux importantes modifications apportées aux politiques de formation et au cadre de mise en oeuvre des programmes, la structure de la formation a elle-même été modifiée en profondeur. Depuis le milieu des années 80, le réseau de collège communautaire comprenant dix campus et au delà de 16 000 étudiants en 1996-1997 - a été le principal dispensateur de formation dans la province. Depuis les années 90, toutefois, on assiste à une croissance dramatique du nombre de formateurs privés. En 1991, par exemple, il y avait 59 établissements de formation privés inscrits en vertu de la Loi sur les établissements de formation privés. En 1998, il y en a 108. On estime qu'en ce moment quelque 10 000 étudiants fréquentent les établissements privés de formation.

Entre-temps, on a marginalisé le rôle des établissements communautaires comme dispensateurs de formation. Cela tranche avec la tendance du milieu des années 80 lorsqu'en vertu de Planification de l'emploi, ce genre d'organisme pouvait concevoir et mettre en oeuvre des programmes de formation subventionnés par le fédéral et axés sur les besoins de secteurs industriels précis.

Le perfectionnement des travailleurs et des travailleuses a longtemps été l'affaire des organismes ouvriers, particulièrement dans les métiers. Par le passé, certains de ces programmes recevaient du financement du gouvernement alors que d'autres comptaient sur la caisse syndicale. La Stratégie de mise en valeur de la main-d'oeuvre de 1989 faisait la promotion d'un partenariat entre les syndicats d'une part et les industries et le gouvernement, par la création de conseils de direction et par secteurs pour la mise en valeur de la main-d'oeuvre. Il était possible d'obtenir certains fonds pour la formation en s'adressant aux conseils sectoriels.

Dans le cadre de la politique actuelle, il n'est plus possible d'obtenir des subventions gouvernementales pour ce genre de formation ciblée, et le financement offert aux conseils sectoriels se limite aux programmes d'infrastructure. De plus, aucune entente de formation défrayée par l'employeur n'a été négociée au Nouveau-Brunswick, contrairement à ce qui s'est négocié en ce sens dans d'autres provinces, pour certains secteurs. Par exemple la convention collective de 1995-1998 entre la section locale 615 du Syndicats des manoeuvres de l`Amérique du Nord (Nouvelle-Écosse continentale) et le Construction Management Bureau stipule un versement par l'employeur de 0,46$ par heure de travail à un fond pour l'amélioration de l'industrie et la formation, et la convention collective TCA de 1996 chez Chrysler contient une entente selon laquelle la compagnie versera jusqu'à 7 414 554 $ au maximum pour la formation, équivalant à un maximum de 16 heures de formation par employé en service.

L'impact sur les travailleurs et les travailleuses

Selon le nouveau scénario, la loi de l'Assurance emploi tient maintenant pour principe que l'individu est responsable du financement de sa formation. Ce nouveau système tributaire du marché se désintéresse entièrement des conséquences pour les travailleurs et les travailleuses.

Le critère que doit appliquer le conseiller chargé du cas dans la distribution des PSP est celui de la valeur d'investissement de l'individu pour la province. Plus précisément, le gouvernement dose la somme pouvant être investie dans la formation d'un travailleur selon la productivité attendue après ladite formation. En termes concrets, la province offre un emprunt pour les premiers 3 500 $ que coûte la formation et le reste, peu importe la somme, prend la forme d'une subvention. L'aide offerte à un étudiant qui fréquente le collège communautaire, dont les frais de scolarité sont de 2000$, par exemple, recevra la plupart de son aide financière sous forme d'emprunt. Par contre, celui ou celle qui fréquente un établissement privé de formation beaucoup plus cherrant, dont les frais de scolarité dépassent 20 000 $ par exemple, recevra le même montant sous forme d'emprunt (jusqu'à 3500$) mais la différence (16 000 $ +) sous forme de subvention.

Cette politique entraîne de sérieuses répercussions relatives à l'équité, et les conséquences pour les établissements de formation sont considérables également. Cette politique tend à favoriser les établissements d'enseignement privés plutôt que publics et ne les incite nullement à cesser d'imposer des frais élevés de scolarité.

Conclusion

Les nombreuses modifications du cadre stratégique n'ont pas eu un grand impact au Nouveau-Brunswick jusqu'à présent, et ce pour plusieurs raisons. La première en importance, c'est que la province n'a pas trouvé de banque qui accepte de prendre en charge la partie emprunt du programme PSP. Jusqu'à ce jour, tout l'argent des PSP a été distribué sous forme de subventions. De plus, surtout dans le nord-est de la province, le programme d'allocations d'aide de transition a créé toutes sortes de programmes d'emploi et de formation de courte durée pour les «trous noirs», les travailleuses et travailleurs saisonniers dont les prestations d'assurance-chômage sont épuisées.

Ces conditions ne dureront pas éternellement. Quand elles auront fait leur temps, que l'impact des modifications apportées aux politiques se feront pleinement sentir, les travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick seront confrontés à un tout nouveau monde de la formation. Et en l'absence d'un redressement majeur des politiques, je ne pense pas que cela leur fera plaisir.