Le Réseau de recherche en 
formation et travail 
The Labour Education and

Training Research Network

 

Les femmes et l'apprentissage :

le rôle du libre arbitre dans le succès de la transition

 

Robert Sweet

Selon de récentes recherches sur le passage de l'école au travail, le libre arbitre joue un rôle important dans la réduction des risques mais le sexe, la classe, l'ethnie et d'autres indicateurs sociaux ont également une grande influence sur la transition. Le sexe est un facteur structurel sur lequel il existe un besoin pressant d'établir des politiques pendant que les gouvernements (et certaines entreprises et des syndicats) tentent de rectifier les déséquilibres d'un milieu de travail nettement empreint de discrimination sexuelle.

Par le passé, la plupart des métiers d'apprentissage dans les domaines de la construction, de la fabrication, de la transformation et de la réparation n'étaient accessibles qu'aux hommes. Les femmes s'inscrivaient typiquement à la formation dans des métiers représentant le travail traditionnel des femmes, comme ceux de la coiffure et de la cuisine. Dernièrement, les femmes ont été encouragées à s'inscrire et à réussir à l'apprentissage dans des métiers non traditionnels grâce à des programmes qui les préparent à accomplir un travail qui ne leur est pas familier et à des programmes gouvernementaux d'aide financière destinés à les soutenir pendant leur formation. Ces programmes sont fondés sur l'hypothèse selon laquelle les femmes qui optent pour des métiers non traditionnels et qui terminent leur formation en seront récompensées sur le marché du travail parce qu'elles auront des emplois plus stables et plus satisfaisants et des revenus plus élevés.

L'étude a consisté essentiellement à déterminer si les résultats obtenus par les femmes sur le marché du travail sont influencés par le fait qu'elles choisissent un métier traditionnel ou non traditionnel et qu'elles décident de terminer ou d'abandonner leur formation en apprentissage. Les données issues de l'Enquête nationale sur les métiers d'apprentissage (ENMA) de 1994 ont été analysées.

Les résultats indiquent que les taux de stabilité et de maintien de l'emploi étaient plus élevés dans le cas des femmes ayant terminé leurs programmes, quel que soit le métier choisi. Les revenus de celles qui ont terminé un apprentissage dans un métier non traditionnel étaient les plus élevés. En fait, les femmes qui se sont inscrites à un apprentissage dans un métier non traditionnel mais qui n'ont pas terminé la formation avaient quand même une meilleure situation financière que celles qui avaient entrepris un apprentissage dans des métiers traditionnels, qu'elles l'aient terminé ou non. Il se peut que le désavantage des femmes terminant un apprentissage dans un métier traditionnel découle de la disparité générale entre les salaires des hommes et des femmes. Il se peut aussi qu'il témoigne de facteurs d'incohérence dans les qualifications officielles. Ces conditions ne représentent et ne favorisent guère les n structures d'occasions o qui permettent de bâtir efficacement une carrière.

Les niveaux de satisfaction professionnelle étaient les plus bas parmi les femmes ayant abandonné l'apprentissage dans des métiers non traditionnels. Les femmes ayant terminé un tel apprentissage avaient un niveau de satisfaction relativement bas à l'égard de leurs revenus mais, outre cette considération financière précise, il n'y avait pas de différence marquée quant à la satisfaction à l'égard de l'emploi entre les répondantes en question et celles qui avaient opté pour un métier traditionnel, qu'elles aient achevé ou non leur apprentissage.

L'intégration de facteurs structurels à notre analyse du libre arbitre nous permet de mieux comprendre les efforts que les individus font pour faire face au changement dans des contextes particuliers. Dans le contexte de la formation dans les métiers, les aspirations et les attentes des femmes dépendent de l'information qui compare les frais et les récompenses prévus de l'apprentissage. Bien qu'il soit peu probable que les choix de carrières soient fondés uniquement sur des considérations économiques, les décisions individuelles seront vraisemblablement influencées par la connaissance des rapports entre les cheminements d'apprentissage et les résultats sur le marché du travail.

L'enthousiasme des partisans d'un accroissement de la participation des femmes aux métiers non traditionnels est, en somme, justifié. L'analyse actuelle porte certes à croire qu'il y a lieu d'aider les femmes à s'intégrer à des métiers non traditionnels en leur permettant de terminer leur apprentissage et d'obtenir la qualification nécessaire.

Toutefois, il peut être nécessaire de modérer un peu l'enthousiasme à l'égard de la participation des femmes à des métiers non traditionnels. Même si elles ont des revenus considérablement supérieurs, les femmes pratiquant des métiers non traditionnels sont moins satisfaites à l'égard de leurs résultats économiques qu'on pourrait s'y attendre. Cela peut tenir à l'écart entre les salaires des hommes et des femmes qui subsiste sur le marché du travail canadien ou découler du fait que les attentes salariales initiales des femmes sont trop élevées.

Il y a lieu de reconnaître que les femmes pratiquant des métiers traditionnels présentent une opinion généralement positive de leur travail, particulièrement quant aux importants aspects que sont la responsabilité inhérente au poste et les relations interpersonnelles. Compte tenu de la complexité de la question, il y a lieu de réaliser des recherches plus poussées sur ce que la formation, dans les métiers tant traditionnels que non traditionnels, rapporte aux femmes.