Un ouvrage explore le sucre, le pouvoir et la politique

Gillian A. McGillivray, professeure agrégée d’histoire à Glendon, se penche sur le passé de l’Amérique latine dans l’optique de l’industrie sucrière. Le résultat est son premier ouvrage Blazing Cane:  Sugar Communities, Class, and State Formation in Cuba, 1868–1959.

Gillian McGillivray était à l’école secondaire quand elle s’est découvert une passion pour la culture latino-américaine en lisant un roman de Gabriel García Márquez, l’écrivain colombien lauréat du prix Nobel. Après avoir obtenu une maîtrise en études latino-américaines et un doctorat en histoire à l’Université de Georgetown, Mme McGillivray, professeure agrégée d’histoire à Glendon, a commencé à explorer le passé de l’Amérique latine dans l’optique de l’industrie sucrière.

L’ouvrage, Blazing Cane:  Sugar Communities, Class, and State Formation in Cuba, 1868-1959 (Duke, 2009), se penchait sur les origines de l’industrie, l’esclavage et le colonialisme et examinait comment et pourquoi les travailleurs du sucre ont contribué à la révolution qui a porté Fidel Castro au pouvoir en 1959. Mme McGillivray se tourne maintenant vers le Brésil et vers les connaissances que l’on peut glaner sur la politique et la culture par le prisme du sucre. Elle espère publier Sugar and Power in Brazil en 2023.

Cover of Blazing Cane
Couverture du livre Blazing Cane

« J’ai fait mes études postdoctorales sur les zones sucrières du Mexique et du Brésil et je me suis rendu compte que le Brésil était si complexe que je devais m’y consacrer en tant que projet à part entière, explique Mme McGillivray. C’était tout un défi de passer de l’étude de l’Amérique latine hispanophone à celle de l’Amérique latine lusophone.»

Ses recherches actuelles visent à répondre à deux grandes questions : pourquoi São Paulo est-elle devenue l’une des zones économiques les plus prospères d’Amérique latine et comment les politiciens et les élites — pas seulement à São Paulo, mais dans tout le Brésil — ont empêché les masses rurales de réussir à organiser un mouvement révolutionnaire pour combattre les inégalités socio-économiques extrêmes de la nation.

« La canne à sucre, que les planteurs ont cultivée à différentes échelles dans presque tous les États du Brésil, a joué un rôle central dans le passé de la nation et continue à en jouer un aujourd’hui, explique Mme McGillivray. En utilisant le sucre comme prisme de la société brésilienne, j’affirme que le soutien de l’État brésilien à l’industrie et à l’agriculture a permis aux élites de toutes les zones sucrières du Brésil de diviser, assimiler et faire pression sur les nombreuses personnes qui vivaient à la campagne.»

Pour le prouver, elle explore l’évolution des relations de trois classes sociales — les travailleurs du sucre, les cultivateurs et les raffineurs-industriels — dans trois régions du Brésil, Rio de Janeiro, São Paulo et le Nord-Est, de la fin de l’esclavage et de l’empire dans les années 1880 au début de la dictature dans les années 1960. Mme McGillivray cherche à expliquer comment « les décideurs politiques, les propriétaires fonciers et les industriels ont réussi à empêcher les millions de résidents ruraux engagés dans la production de sucre de devenir des acteurs révolutionnaires capables de modifier l’économie politique en leur faveur, contrairement à leurs homologues dans d’autres endroits comme Cuba et le Mexique.»

Elle participe à deux autres projets en plus de Sugar and Power. Elle est coéditrice de The Entangled Labor Histories of Brazil and the United States, un volume d’écrits universitaires rédigés par des chercheurs brésiliens et nord-américains dont la publication est prévue en janvier 2023.

« Cet ouvrage est né d’un colloque au Brésil et nous sommes heureux de le publier dans les deux langues, dit-elle. Il est important de partager des idées au-delà des frontières et cela passe souvent par la traduction. C’est bien d’être basé à Glendon, car nous sommes réputés pour les langues.»

Son deuxième projet consiste à rédiger un chapitre comparant Cuba et le Brésil pour un volume édité sur la base de l’atelier « Plantation Knowledge » organisé en juin 2023 au Global South Centre de Cologne. Quinze chercheurs d’Europe et des Amériques ont présenté des articles allant des réflexions d’un géographe sur le « plantationocène » aux plantations de thé en Inde, aux noix de coco aux Philippines et au cacao en Afrique.

Quel est le prochain point à l’ordre du jour de Mme McGillivray? Après son livre sur le sucre brésilien, elle aimerait collaborer à un projet d’histoire publique rassemblant les histoires de la production et de la consommation de sucre dans l’hémisphère américain avec d’autres historiens et spécialistes des sciences humaines numériques.